Mon expérience de la Guerre des 12 jours (Israël/Iran)
Le récit qui suit correspond à mon expérience de la Guerre des 12 jours. Nous sommes arrivés le 12 Juin à Tel-Aviv, loin de présumer qu’une guerre commencerait dès le lendemain. Nous devions rentrer en France le 19 Juin, au bout d’une semaine. Finalement nous ne quitterons Israël que le 24 Juin, sans rentrer immédiatement en France.
Je souhaitais initialement lier l’utile à l’agréable lors de ce séjour, alternant entre réelles vacances (plages, restaurant…) et travail (photographies, visite de sites, de musées…). Si l’expérience que je prévoyais initialement à été perturbée par la guerre, j’ai toutefois pu récolter du matériel utile à la rédaction de mon ouvrage sur l’histoire de la terre d’Israël à travers les âges.
En effet, si je pensais initialement avoir terminé mon récit en décrivant les évènements du 7 Octobre 2023 et ceux qui suivirent, j’ai dû continuer d’écrire tant la suite des évènements fût historique, déterminante pour l’avenir, et rentrait en résonance avec les faits décrits jusqu’ici. Certains des points que j’ai pu constater (impuissance de la France, implication des États-Unis, action d’Israël…) semblent être des éléments quasi-systématiques lorsqu’une crise se déclenche. Mais ces trois points de réflexions méritent un sujet à part entière.
Pour l’heure, voici le détail de mon expérience, telle que je l’ai vécue :
Jour 1 : Jeudi 12 Juin 2025 - Tel Aviv :
À notre arrivée, on a quelques galères pour se repérer, car le GPS bug -on apprendra plus tard que c’est un signe avant-coureur qu’une intervention va avoir lieu-. Heureusement, tout le monde est très gentil pour nous renseigner. Ça sent la beuh de partout dans la ville, comme un parfum d’ambiance.
On mange un shawarma pas loin de l’entrée du shuk Ha-Carmel. On pense de prime-abord que ce sont des juifs qui tiennent le magasin, mais en réalité on n’en sait rien. Finalement c’étaient des musulmans. En réalité des fois, à moins de demander leur religion aux gens, on ne peut pas savoir. En tous cas j’ai pris un laffa et c’était très bon.
Après manger on va se balader pour digérer. Il y a des drapeaux LGBT partout car c’est le moment de la Pride. Les magasins sont ouverts jusqu’à tard. Il est minuit et la plupart des choses sont toujours ouvertes. Dans la rue, des casques sur les trottinettes en libre service, rien n’est abîmé, rien n’est volé. Idem pour les chaises en libre service dans la rue , personne n’y touche.
Photo prise proche de la désormais nommé Place des Otages. On distingue le drapeau Israël mélangé à la couleur jaune symbolisant les otages, ainsi que les photos de ces derniers. Dans le fond, sur un bâtiment, on distingue les couleurs du drapeau LGBT, qui nous rappelle que Tel Aviv aurait dû célébrer la Pride 2025.
Les photos des otages sont partout : dans les rues sur les poteaux, à l’aéroport, sur des stickers, partout autour de la fontaine de Dizengoff, partout sur la désormais nommée place des otages. Et tout le monde respecte. Bien qu’il y ait des musulmans d’origine Palestinienne, personne ne touche à ces images, à la différence de certaines choses qu’on a pu voir en France.
Ce n’est pas mon premier séjour en Israël, donc je le savais déjà. Mais je le constate de nouveau : Israël est un pays très différent de la France à bien des niveaux. C’est un modèle de vivre ensemble et de tolérance. En fait, le monde rêvé des gens de gauche en France, c’est Israël. Et en particulier Tel Aviv où les LGBT, vegans, dog friendly, bien matcha bien pilates, seraient très heureux.
Il est tard, nous sommes fatigués. On rentre à l’hôtel. On commence à s’endormir, on entend une sirène, puis un message d’alerte et tout le monde se bouge pour aller dans un abri. Enfin non pas tout le monde, les touristes surtout. Ils prennent leurs valises à la recherche d’un abri. Certains avec des provisions. Je ne le comprendrais que plus tard, mais malheureusement les Israëliens sont tellement habitués à ce genre d’alertes, que la plupart ne va même plus dans les abris et s’en remettent entièrement au Dôme de Fer.
Jour 2 : Vendredi 13 Juin 2025 - Tel Aviv :
On a finalement trouvé le sommeil. Au réveil ce matin, on a été au marché Carmel en trottinette. On a pris un jus de Grenade, on s’est posé un moment puis nous sommes allés à la plage. On comprend alors que la Pride a été annulée en raison des attaques de la nuit précédente. Et c’est là que nous réalisons l’ampleur de la chose : la nuit passée, Israël a lancé l’opération Rising Lion contre l’Iran, les deux pays sont alors rentrés en guerre l’un contre l’autre, et l’aéroport Ben Gurion est désormais fermé.
Nous décidons tout de même de nous poser sur la plage et bronzer. L’eau était trop bonne et si transparente qu’on y voyait les poissons, les coquillages… On disait n’importe quoi, on parlait en nageant et en barbotant. Une réelle ambiance de vacances pour le coup. Comme s’il n’y avait pas de guerre.
On rentre enfin à l’hôtel pour nous doucher et re sortir.
Une première alerte sur le chemin, nous indiquant de nous rapprocher d’un abri. On prend donc des boissons et on va à un premier abri dans une école. On reste devant tant que l’application ne sonne pas pour nous dire de rentrer dans un abri. On attend, mais rien ne se passe. Beaucoup de monde commence alors à partir. On suit le mouvement. Avec du recul, c’était stupide. On ne le savait pas, mais l’application envoie systématiquement une alerte quand il n’y a plus de danger et qu’on peut donc vaquer de nouveau à nos occupations. Or, là, nous n’avions rien reçu.
Idée encore plus stupide, l’ami qui m’accompagne suggère qu’on aille sur la plage, ce qu’on fait. En arrivant au niveau de l’hôtel King David, je vois bien une foule rassemblée à l’entrée de l’abri n°420, mais je ne relève pas plus que ça. Toutefois, ça me permet de relever qu’il y a un abri ici. Je suggère donc, dans un élan de bon sens, qu’on se pose sur la plage non loin de l’abri sus-mentionné.
On fait de la balançoire, je prend une vidéo de cet instant, et soudain je vois quelque chose qui, au premier abord, ressemble à un avion qui « s’éteint » au dessus de la mer. Je pense très fortement qu’il s’agit d’une roquette ou d’un missile, et qu’il vient d’être intercepté par le Dôme de Fer, mais je ne veux pas faire paniquer mon ami ou qu’il pense que je suis paranoïaque. Je lui montre donc “l’avion” en disant “C’est bizarre ça disparait d’un coup, comme s’il était passé dans les nuages. Pourtant il n’y a pas de nuages.“ Au fond de moi je sais bien qu’il ne s’agit pas d’un avion. Car entre temps, une deuxième boule de lumière est apparue et a disparu. Mais je veux que cela vienne de mon ami, je ne veux pas qu’il prenne peur ou me prenne pour une folle, donc je lui mâche le travail pour qu’il en arrive lui-même à la conclusion de “Oui, c’est bien une roquette'“. Et c’est bien ce qui se produit. À la deuxième roquette qui disparaît d’un coup, il me dit “Euh je ne crois pas que ce soient des avions”. D’un coup, le doute n’est plus possible quand une troisième boule lumineuse apparaît dans le ciel. Cette fois, elle ne disparaît pas. Le Dôme de Fer ne l’a pas interceptée, et elle fonce droit sur nous. C’est clairement un missile balistique. On commence donc à courir en direction de l’abri repéré quelques instants plus tôt, sans lâcher le missile des yeux, qui continue sa course depuis la plage jusqu’en direction du centre de Tel Aviv. Arrivés au niveau de l’abri, certains filment le missile qui passe au dessus de nous et survole le King David. Immédiatement, une sirène retentit et nous gagnons l’intérieur de l’abri.
Une fois en bas, beaucoup d’entre nous, y compris moi, suivent en direct sur leur téléphone ce qui se passe au dessus de nous. Des images d’horreur. Tous les missiles ne sont pas interceptés. À peine le premier missile ayant touché le centre de Tel Aviv, mon téléphone sonne. Tout le monde m’a appelée sur Whatsapp.
On apprend comme ça qu’un immeuble du centre de Tel Aviv a été touché de plein fouet, et que l’Iran continue d’envoyer une salve de missiles sur la ville.
Photo prise le Dimanche 15 Juin 2025 proche de Sarona Market, dans le centre Tel Aviv. Des passants s’arrêtent et photographient l’immeuble qui a été touché dans la nuit du Vendredi 13 au Samedi 14 Juin. Dans le fond, on voit une partie des dégâts sur l’immeuble noir.
Au bout d’un certain temps, on est finalement partis de l’abri direction l’hôtel. En chemin, une autre alerte. On gagne un abri, plus proche. On ne rentre pas, on reste à proximité. On décide de bouger car c’est plus calme.
À peine rentrés, une autre alerte. Cette fois-ci ça semble plus critique car plus proche. Tout le quartier est là. Arrivés devant l’abri, la sirène retentit. Tout le monde s’alerte et se précipite à l’intérieur.
Chiens apeurés, bouteilles d’eau, sacs de survie tous prêts, coussins, couvertures etc… Les chiens ont peur, certains commencent à s’embrouiller. On est entassés dans l’abri. Certains par terre, certains debout. Des femmes avec leurs bébés dans les bras, qu’elles bercent.
Certains ont l’air serein, d’autres paniquent. J’ai croisé le regard d’une dame assez âgée, environ 65 ans, avec son caniche. Un petit caniche frisé marron clair. Elle lui ressemblait, ses cheveux étaient tout aussi frisés et de la même couleur. Elle avait les larmes aux yeux. J’ai failli les avoir moi aussi.
Il y avait aussi un couple avec deux grands caniches et un petit. Le petit avait pris son doudou, une peluche jaune qu’il ne voulait pas lâcher. Quand on est sortis, il l’a fait tomber, son maître le tirait, mais le petit chien ne voulait pas avancer sans son doudou.
Finalement tout le monde reçoit une alerte disant “c’est bon vous pouvez sortir mais restez proche”. C’est ce qu’on fait. Au bout de 10min sans nouvelles alerte, on regagne l’appartement. On espère ne pas avoir de nouvelle alerte.
Jour 3 : Samedi 14 Juin 2025 - Tel Aviv :
C’est Shabbat. Tout le monde est dehors. La vie continue. Petit déjeuner. Des gens qui courent, des religieux qui vont à la synagogue. Des enfants qui font de la balançoire. Ceux qui promènent leurs chiens. Tout le monde vit et rigole.
On a été à la place des otages qui est pas loin de l’immeuble qui a été touché la nuit dernière. C’est glaçant. L’atmosphère était étrange, vraiment.
Photo de la Place des Otages, déserte, le Samedi 14 Juin 2025, au lendemain des attaques dans le centre de Tel Aviv. On peut voir l’inscription “Bing Them Home Now” taguée sur un mur, ainsi que le froid décompte signifiant le nombre précis de jours, d’heures, de minutes et de secondes depuis la monstrueuse attaque du Hamas le 7 Octobre 2023. À cet instant précis : 616 jours, 7 heures, 35 minutes et 22 secondes.
Après ça on est rentrés se changer et on a été à la plage. Il y avait du monde. Vraiment beaucoup de monde. Mais je ne faisais que guetter le ciel. L’après midi est passée. L’eau claire, les petits poissons dans l’eau. Magnifique.
Juste après on a été manger des burgers, c’était super bon. On a parlé avec un couple, un américain et un canadien nationalisé américain. Ils ont eu leur vol avec Delta annulé et ont pu voler avec Air France apparemment. Je n’aurais jamais de nouvelles d’eux, mais je présume que le vol Air France a aussi été annulé, étant donné que Ben Gurion avait fermé.
Après ça on est rentrés se changer, j’ai eu mes cousines au téléphone après Shabbat. L’une d’entre elle, vivant pourtant ici depuis presque 3 ans, m’explique avoir fait une crise d’angoisse. Je comprend alors que même pour les Israëliens, cette situation est inédite. Elle m’explique en effet que s’ils n’ont pas peur des petites roquettes des Houthis ou du Hamas facilement interceptées par le Dôme, là ce sont des missiles balistiques, supersoniques envoyés en masse, et par l’Iran.
On a voulu aller boire un verre mais tout était fermé. Donc on a été manger une glace chez Golda, une chaîne de glaciers bien connue en Israël.
Avant de recevoir une alerte.
On s’est rapprochés d’un abri, dans un parc sur Gordon. Il y avait encore plein de gens avec des chiens. Puis cette fois-ci on a entendu des sirènes en recevant une alerte. Donc on a foncé dans l’abri. Dedans, toujours pareil. Des valides, des handicapés, des hommes armés. Des famille, des enfants, des couples, des ados, des vieillards. Deux chiens se disputent, ce qui en fait réagir un autre. C’est une réaction en chaîne, tous aboient. Ça nous fait tous rire.
Le gros chien qui avait réagi à la dispute des autres panique, il fait des bruits marrants de chien qui a peur, et le plus petit des 3 qui appartenaient à la dame le calme en lui faisant des bisous puis il aboie sur les 2 chiens qui avaient initié le bordel. C’était marrant, ça a un peu calmé tout le monde.
Deux chiens jouant l’un avec l’autre dans un miklat, amusant les gens qui les filment. Une façon de passer le temps en attendant l’alerte disant qu’on pourra sortir. Une scène fréquente. Finalement, au delà des humains, cette situation permet aussi aux chiens de socialiser. Une façon de voir le positif dans le négatif. La lumière dans l’obscurité.
Puis on a reçu une alerte, on pouvait rester aux environs. On s’est posés dans une maison de jeux pour enfants en attendant qu’on reçoive une alerte nous disant qu’on pouvait partir. Finalement on reçoit l’alerte. On a donc tous bougé. Puis on a été se prendre à boire, j’ai demandé à mon ami de demander à un sans abri posé devant la supérette s’il voulait quelque chose à boire. Il voulait un cola. Mon ami lui a donné, on est remonté dans notre chambre avec nos boissons.
On a lancé une série, tout en se disant que ça va sûrement repartir à un moment donné. C’est bizarre ce sentiment de ne pas pouvoir entièrement se détendre devant une série, car on sait éperdument qu’à un moment on risque d’être interrompus et devoir se dépêcher de gagner un abri. On s’est finalement endormi avant la fin de l’épisode.
Sans surprise, nous sommes réveillés de nouveau vers 3h du matin. Je ne dormais même pas. J’attendais l’alerte. On se prépare donc et on va à l’abri d’un autre parc non loin de notre hôtel, également dans un parc. La plupart des miklat, les abris publics, sont situés dans des parcs ou à l’intérieur des écoles.
Dans une première salle, il y a plein de gens. Tous sur de petits matelas, qui essayaient de dormir. Un mec allume la lumière et les réveille. Je comprend alors que certains ont peur et son épuisés de multiplier les aller-retours. Ils ont donc décidé de se terrer dans les abris.
On est resté un moment avec des alertes qui se succédaient. Toujours la même chose. Une vieille dame qui s’énerve. Je ne sais pas pourquoi, elle parle hébreu. Finalement on reçoit l’alerte « no longer need to stay protected ». On rentre donc à l’hôtel. Je regarde des live. Haïfa touchée. On dort.
Jour 4 : Dimanche 15 Juin 2025 - Tel Aviv - Yafo :
Lever en douceur vers 9h30. Je me prépare, mon ami me rejoint. On prend un petit déjeuner, café et jus d’orange. En attendant en bas de l’hôtel, je croise un homme qui semble attendre, sa valise à côté de lui, et parlant très fort au téléphone. Au moins, ça me permet de remarquer qu’il parle français. J’attends qu’il termine son appel, et je décide d’aller lui parler. Je lui demande s’il est bien français, et s’il a prévu de rentrer, si oui comment ? Il m’explique donc qu’il voyageait avec sa soeur, qu’ils doivent partir aujourd’hui par la Jordanie, et qu’ils attend justement le chauffeur qui doit les conduire jusqu’à la frontière.
Je lui demande plus d’informations. Il m’explique que le chauffeur en question est un français, qu’il prend environ 250€ au total pour 2 personnes, et qu’il devrait arriver incessamment sous peu. Il me propose d’attendre avec lui, ce que je fais. Lorsque le chauffeur arrive finalement, j’échange avec lui un moment, et je prend au cas où ses coordonnées. À ce stade là nous n’avons pas encore décidé de la façon dont nous allions organiser notre retour. Pour l’heure, nous étions trop occupés à profiter au mieux possible de nos vacances.
Puis on marche en direction de Sarona Market. C’est un magnifique marché mais tout est fermé pratiquement. On se prend à boire on se pose dans le parc devant. On sent que la vie s’est un peu arrêtée.
On passe en face du ministère de La Défense. Les vitres explosées. Des hommes chargent des vitres brisées dans un camion.
Ouvriers chargeant des vitres éclatées à cause des attaques Iraniennes. Une scène que l’on verra à plusieurs reprises au cours de notre séjour.
Là c’est 12h30 on cherche une trottinette valide, car on souhaitait aller au Musée de la Diaspora, naïvement, sans se douter que ces derniers seraient forcément fermés. En effet, difficile de le présumer car jusque là, si officiellement l’ordre est donné de stopper les rassemblements, beaucoup d’Israëliens en font fi et continuent de vivre leur vie comme à l’ordinaire.
On trouve finalement une trotinette valide, qui n’a pas beaucoup avancé avant de buguer. On en a changé, et comme il y a eu un incident, on a eu -50% sur le trajet suivant. Tant mieux il y avait de la route. On a grave tourné, le GPS était perdu, nous aussi. Encore une fois, et comme ce sera régulièrement le cas au cours de notre séjour, la localisation du GPS de mon ami est perdue quelque part à Amman en Jordanie. Un signal GPS perdu en temps de guerre c’est dangereux, car si nous sommes identifiés à Amman, nous ne pouvons être prévenus de frappes devant intervenir sur Tel Aviv. C’est d’ailleurs ce qui s’est malheureusement produit à quelques reprises. Je ne peux alors que qualifier de miracle le fait qu’il ne nous soit rien arrivé, et qu’on se soit toujours fortuitement trouvés à côté d’abris lorsque le signal GPS était perdu. Nul besoin de recevoir une alerte pour savoir quand il faut courir. Si un groupe d’Israéliens court, suivez le.
Donc, en attendant que le signal se remette, on a fait une pause dans le seul commerce environnant : une station essence à côté d’un grand parc où on a pris des borekas. L’endroit se nommait chez « Joe », une enseigne équivalent La Brioche Dorée en France. Puis on a pris notre courage à deux mains et on a essayé de trouver le chemin du Musée. On a finalement trouvé une entrée par la Railway station trainline Tel Aviv University. On la voyait pas au début, comme des débiles. Finalement on passe la sécurité de la gare, le portique, et le gars qui contrôle nous indique comment nous y rendre. On doit traverser l’université.
Or, arrivés devant celle-ci, on nous indique que tous les musées sont fermés jusqu’à nouvel ordre à cause de la guerre. Donc on rebrousse chemin, toujours en trottinette.
On repasse par le parc qu’on avait vu au début vers la station service, on prend une vidéo car c’est très joli. On arrive finalement vers la plage vers le glacier Golda et on n’a même pas le temps de poser la trottinette qu’il y a une alerte. Heureusement plus tard, mon ami a pu régler le problème et enregistrer la trottinette comme re déposée, sans frais supplémentaires.
Donc on se met sous le parking sous Golda. Avec nous, des familles et des employés des commerces environnants. On attend un moment puis on rentre un peu à l’appartement.
Entre temps, Transavia nous avait répondu, car j’avais envoyé un message sur Whatsapp le matin. Apparemment pour le moment notre vol est maintenu. On verra bien. Même si cela semble extrêmement peu probable… Et effectivement, il nous sera confirmé par mail quelques jours plus tard, que le vol est annulé. Nous choisissons donc le remboursement plutôt que le report du vol, car il nous est impossible alors de présumer quand est-ce que l’aéroport rouvrira.
On ressort, et on va à pieds direction Yafo, sans même savoir qu’on y allait. Juste on marchait. C’était beau, on s’est posés sur les transats vers l’esplanade pleine d’herbe qui sépare Yafo et Tel Aviv. Une fois arrivés à Yafo, c’était magnifique. On a pris plein de vidéos. Il y avait beaucoup d’arabes musulmans, plus qu’à Tel Aviv. Il y avait aussi plein de journalistes postés avec des caméras, prêts à faire leur rapport face à the Tel Aviv Skyline.
Deux hommes sont dans une voiture et rigolent de moi. Il me font croire que la caméra devant laquelle je suis est allumée et qu’on passe en live sur la télé. Je demande alors au journaliste à qui appartient la caméra, il rigole et me rassure en disant que ça ne tourne pas. On parle rapidement avec lui. On apprend qu’il est de Jérusalem. C’est un arabe d’origine Palestinienne qui connaissait un peu la France, car il avait de la famille sur Toulouse. Quand on lui a dit qu’on était français il a dit « Ah donc c’est pour ça ». Je n’ai toujours pas compris ce qu’il voulait dire. On a un peu parlé de la situation actuelle et de son travail de journaliste.
Cette statue se nomme Statue de la Foi. La partie horizontale, au sommet, symbolise la conquête de Jéricho. La colonne de gauche représente le rêve de Jacob. Et la colonne de gauche rappelle le sacrifice d’Abraham.
On lui souhaite une bonne soirée et on descend un peu plus dans la vieille ville. On tourne un peu. On arrive sur une esplanade où il y a un triple monument en forme d’arche, rappelant notamment l’épisode du Rêve de Jacob et le Sacrifice d’Abraham. Une fois dans la vieille ville, on arrive sur un pont « Wishing bridge » qui suppose de faire un vœu en regardant la mer et en tenant le signe astrologique qui nous est associé.
Panneau sur lequel il est écrit “Une ancienne légende raconte que quiconque se tenant sur le pont en tenant le symbole de son signe astrologique et regardant vers la mer - son souhait sera exaucé”.
Le pont était face à l’église Saint Peters, la seule orientée vers l’ouest, en direction de Rome, et donc de la mer. À peine ai-je passé mon pied sur le pont, l’appel à la prière résonne dans la ville. Magnifique.
C’était particulier comme ambiance, à Yafo il y a beaucoup de mosquées et d’églises. On les voyait au loin, surtout une église, donc on s’est rapprochés. On était donc sur ce pont aux souhaits, en Israël, un pays Juif, face à une des plus fameuses églises chrétienne du monde, au son de l’appel à la prière musulmane. Le tout suivant le rituel d’une tradition païenne.
Puis finalement je sens qu’il faut qu’on parte, la nuit tombe et on sait qu’à cette heure-ci, les tirs de missiles peuvent commencer, et qu’il vaut donc mieux être proches d’un abri. Or, là, nous étions sur une grande esplanade, à découvert. En prime, mon ami me dit qu’un homme nous avait regardés bizarrement, ce que je n’ai personnellement pas remarqué. Mais je décide de lui faire confiance. Nous partons.
Arrivés vers les trottinettes pour repartir, il y avait un vieux bâtiment abandonné, en pierres marrons avec quelques grilles anciennes, comme une ancienne église, ouverte, où on entendait et on voyait des chauves souris. On aurait pu croire à l’entrée de la Bat Cave -lol-.
On a pris la trottinette, on a fait le chemin inverse. C’était très joli et agréable aussi. On est arrivés en bas de l’Hôtel Renaissance à Tel Aviv. Mon ami a posé la trottinette le long de la plage sur les places prévues à cet effet et on a commencé à marcher pour regagner l’appartement. Arrivés au niveau du parc habituel sur Gordon, l’alerte retentit. Bon timing, on y va direct. Ça ne dure pas trop longtemps.
On va faire quelques courses ensuite, pour des sandwiches -halla houmous pastrami-. On ne trouve toujours aucun restaurant ouvert, ce qui est relativement moindre en comparaison du risque représenté par des missiles balistiques supersoniques. Mais c’est tout de même ce qui me contrarie en cet instant précis. On mange, on se met un épisode de You, et finalement je pense « j’espère qu’il n’y aura pas une alerte » mais je ne veux pas le dire en me disant -par superstition- que si je parle il y en aura une. Finalement, comme pour tester si ça marcherait, je le dis à voix haute. À peine eus-je le temps d’achever ma phrase : une nouvelle alerte.
Ces tirs de missiles, c’est être au coeur de l’histoire, la vivre en temps réel. C’est une expérience inoubliable. Vivre l’histoire, c’est vivre les heures sombres, comme les bons moments. C’est aussi ce que ma mère m’a dit. Au moins désormais je comprend d’autant plus la résilience et la force du peuple Israélien. Nous on est en vacances, mais eux, c’est leur quotidien en temps de guerre. Certes ces temps-ci c’était plus calme, et ce n’était pas l’Iran. Mais en ce moment même, nous on peut faire une grasse matinée. Pas eux. Ils travaillent pour la plupart, même si c’est en télétravail pour des raisons de sécurité.
Une affiche photographiée près de la Place des Otages, où il est écrit : “Nos blessures sont vieilles de plusieurs siècles, mais notre résilience et notre force le sont aussi.”
En ce moment même on est à l’abri dans un parc, à l’Est de Gordon. À l’intérieur, quand on est arrivés, il y avait un homme agité, peut être bu, qui dérangeait tout le monde. Donc les policiers et militaires aidés du Magen David Adom -équivalent de la Croix Rouge française- qui étaient là l’ont mis à part, isolé dans les toilettes de l’abri. On commence à reconnaître quelques visages d’habitants -et de leurs chiens-. Il y a vraiment de tout : des jeunes, des vieux, de toutes origines et religions.
Jour 5 : Lundi 16 Juin 2025 - Netanya :
On se réveille encore assez tard, du fait des mauvaises nuits qu’on enchaîne depuis notre arrivée. On appelle un de nos amis pour pouvoir le rejoindre à Netanya, où il se trouve pour l’été. On regarde les trains. On prend une trottinette jusqu’à la gare Tel Aviv HaShalom. On prend le train. A l’intérieur, pendant le trajet, on croise un orthodoxe qui traverse la rame en courant, sourire au lèvres et en récitant le Shema Israel. Je ne relève pas plus que ça.
Et finalement on arrive, notre ami vient nous chercher. On se prend des jus de fruit super bons et faits sur place et on s’arrête acheter deux trois petites choses en souvenirs et puis finalement on repart en direction de chez notre ami et ses parents pour poser les affaires et qu’il récupère sa serviette de plage.
On se pose à la plage. Pas très belle, eau et bord de mer sale, pollué, et en contre bas d’une falaise. Il y a très peu de monde si l’on compare avec Tel Aviv. Mais aussi beaucoup de français et des bâtiments délabrés. Pas très beau. Je n’aime pas. Le centre ville est minuscule et il y a une ambiance à l’ancienne.
Après la plage on va manger un bout de pizza sur la route avant de remonter chez ses parents. On parle un peu avec eux de la situation. Ils pensent comme nous, que la France n’en a rien a faire de nous. Ils ont fait les mêmes démarches que nous auprès de la France en s’inscrivant sur le Fil d’Arianne, mais constatent bien que cela ne sert à rien. Finalement, on regarde les horaires et on décide de se hâter pour avoir le train du retour.
Quand on comprend qu’on ne l’aura pas on décide de se poser boire un café glacé encore une fois, au centre commercial de Netanya. Mon ami, un Polonais, donc blond aux yeux bleus, a connu son premier délit de faciès, ce qui, nous autres Séfarades habitués au racisme en France, nous a fait beaucoup rire. En effet, dans toutes les gares et centres commerciaux, il y a un portique de sécurité à passer et nos sacs sont fouillés. Là, notre ami -Algérien- et moi-même -Marocaine- sommes passés sans nous faire contrôler. Mon ami le Polonais, lui, s’est fait arrêter pour être fouillé.
Enfin, on arrive au train. Puis finalement, la nuit commence à tomber, je prend peur. En effet, si jusque là les journées étaient plutôt tranquilles, on s’était habitués à ce que les nuits le soient moins. Aux environs de 21h30, de 00h et de 3h du matin, on recevait systématiquement des alertes depuis le début de la guerre.
Arrivés à quai, on sort de la gare et on prend une trottinette. On voit tout le monde rassemblé pas loin des abris. On se dit qu’il y a sûrement un truc. Mon ami regarde. Il y a eu une alerte quand on était dans le train. On n’a pas dû avoir la notification car on était hors réseau à ce moment-là, ou bien la localisation était à nouveau perdue en Jordanie.
On se dépêche donc de poser la trottinette. Mon ami veut quand même aller s’acheter à manger. Bien sûr le vigile du magasin l’empêche de rentrer étant donné qu’on doit se rapprocher d’un abri et pas faire nos courses… On va vers l’abri du parc avec les doubles barrières. On attend un moment puis ça passe. Alors là on va faire deux trois courses. Et enfin on peut se poser un peu et manger des sandwiches. On aurait préféré aller au restaurant, mais la plupart étaient fermés, et pour en trouver un ouvert, il aurait fallu parcourir une distance telle que nous aurions été pris au dépourvu si jamais une nouvelle alerte était lancée. C’est alors que des pensées telles que “Comment tu fais si tu es en plein milieu de ton repas et qu’une alerte sonne ? Y en a qui peuvent se barrer sans payer…” pop-up dans mon esprit.
Sans surprise, une nouvelle alerte à 00h20, puis vers 3h30 du matin. Pile entre 3h et 4h. Celle-ci, c’était particulier. On n’a pas eu de notification, ça n’a pas sonné sur le téléphone de mon ami, sûrement que sa localisation était encore perdue en Jordanie. Mais heureusement je ne dormais pas encore et j’ai pu lui dire que j’entendais la sirène. C’était chaud. Je suis partie avec lui, mais il était derrière. J’ai été dans la direction d’un abri qui n’était pas celui que je lui avait indiqué préférer préalablement. Il m’a appelée dans la rue il était assez loin derrière pour me dire “Lev c’est pas la bonne direction”. Et je reviens vers lui puis ça se met à re sonner en mode “état critique”. Donc on se met tous à courir dans la rue en direction de l’hôtel voisin. Je ne savais pas où j’allais. J’ai juste suivi la foule qui courait par là-bas J’ai eu vraiment peur. Heureusement aussi que plus tôt dans la journée j’avais identifié cet hôtel comme un lieu sûr avec l’alerte de 20h27.
Et bien sûr, comme je pouvais le prévoir : après nous avoir habitué à des frappes à horaire régulier, l’Iran allait commencer à frapper à un horaire inhabituel. Cette fois, c’est à 8h30 le matin le lendemain qu’on allait devoir courir se réfugier dans un abri.
Jour 6 : Mardi 17 Juin 2025 - Tel Aviv :
Nouvelle alerte à un horaire inhabituel. À 8h30. Nous rendre fous, couper notre sommeil.
On a été à la plage le matin. Puis faire quelques boutiques. On a fait les magasins, car certains étaient tout de même ouverts. Mon ami s’est pris une sacoche.
Puis finalement on a été manger un falafel à 9 shekel -environ 2€-. Puis on s’est posés manger dans un parc à côté. Et on est retournés à la plage. Le soir on a été se faire un resto, Villa Mare, car finalement, certains d’entre eux avaient rouvert. C’était super bon.
Jour 7 : Mercredi 18 Juin 2025 - Tel Aviv :
On a commencé par le centre commercial, on a été dans les quelques boutiques qui étaient ouvertes, dont une ésotérique. On s’est baladés, on a mangé des pizzas d’ici. Puis on a bougé, on est allés au consulat de France à Tel Aviv. On devait aller à Jérusalem mais finalement non. On avait déjà tenté l’ambassade de France, mais ces derniers nous avaient redirigés vers le consulat.
Ma pensée de la journée ? “Laisse tomber ils se foutent de nous la France”.
Même si aller au consulat de France aura été peu concluant, c’est tout de même sans regrets. J’ai beaucoup rigolé lorsqu’on cherchait la sortie du consulat et que mon ami -non juif- ouvre au hasard une porte -devant laquelle il y avait pourtant une mezouzah…-. Alors, débarque un homme, Russe, chauve, énervé. Il se lève en trombe de son bureau, se demandant sûrement qui est cet intrus qui ose pénétrer dans son bureau. Fort heureusement, il redescend vite et nous aide finalement à retrouver la sortie du consulat.
On a terminé à Independance Park. Puis sur la plage et à Super America manger des borekas et autre. Et on est rentrés on a commencé le film Happy Gillmore. Je me suis endormie. On sera réveillés le lendemain à 7h00 par l’Iran. J’ai presque eu envie de les remercier, car sans ça on aurait encore dormi une journée de plus. Quoique, sans eux pour perturber notre sommeil, nous aurions aisément réussi à nous réveiller tôt. Mais au moins je constate que je commence à relativiser la situation, et à l’instar des Israéliens, ironiser sur la situation.
Jour 8 : Jeudi 19 Juin 2025 - Tel Aviv - Jérusalem (Check out) :
Notre séjour devait se terminer ce jour normalement. On fait donc le check-out à Gordon, et on pose nos affaires au nouvel hôtel, l’Herbert Samuel Opera, que nous avions repéré plus tôt comme un bon hôtel.
On va ensuite à la gare prendre le train pour Jérusalem. Ambiance particulière. On a commencé par le Shouk Mahane Yehuda on a mangé un big sandwich de charcuterie. Ensuite on a cherché un stylo pour écrire notre petit mot à mettre au mur. Puis on a marché jusqu’au Kotel. On a fait ce qu’on avait à faire, et on a repris la route jusqu’au tombeau de David HaMelekh.
J’ai pleuré au tombeau de David HaMelekh. Me dire “Il y a déjà près de 3 000 ans, le petit David avait réussit à terrasser Goliath le géant. Et aujourd’hui, David HaMelekh, ton peuple est toujours là. L’histoire se répète, toujours le petit qui triomphe du grand”.
Ensuite on est passé rapidement par la Via Delorosa, qui porte toujours ce nom-là. Et en cherchant l’Église du Saint-Sépulcre, on est tombé sur un arabe chrétien -selon ses dires- qui voulait nous aider. Mon ami, naïf, commençait à le suivre. Je le rappelle pour lui dire qu’on doit y aller que j’ai vu un joli truc. Mon ami l’ignorait sûrement, mais nous étions à Jérusalem Est, et c’est loin d’être anodin. Il n’avait probablement pas remarqué les plaques mémorielles un peu partout dans la cité, rendant hommage aux Israéliens tués dans des attaques au couteau.
On trouve finalement le Saint-Sépulcre, qui était bien là où on le pensait, et pas là où l’homme voulait nous conduire. C’est magnifique. On a vu le tombeau du Christ. Son tombeau supposé. Nous n’avons pris aucune photo de l’intérieur du tombeau car un prêtre nous avait demandé de ne pas en prendre. Nous avons donc respecté notre parole et nous sommes juste recueillis dans la minuscule pièce servant de tombeau. Je me suis recueille en signe de respect.
Majestueux intérieur de l’Église du Saint-Sépulcre, où le style Byzantin reste très présent.
Juste après, mon ami a allumé un cierge. J’ai fait une prière en hébreu en rappelant à Jesus qu’il était Juif.
En sortant, ce gars était toujours là, prêt à nous diriger dans la ville mais j’étais prise entre : il veut qu’on lui lâche une petite pièce comme cela se fait souvent au Maroc. Ou alors, il voulait au mieux dépouiller mon ami, au pire lui couper la gorge. J’ai écourté bien qu’il ait été très sympa en apparence. Je me méfie toujours de trop de gentillesse. Il voulait nous payer un café après sa visite. Mais c’était hors de question. Pas là bas. Si au Maroc, je l’ai fait avec plaisir, Jérusalem Est, c’est un autre son de cloche.
Pour la première fois de ma vie en allant là bas, il n’y avait personne. C’était presque vide de touristes. Sauf les quelques uns comme nous peut être bloqués ici, mais tellement rares. Sont-il déjà tous repartis ?
En tous cas les rues étaient désertes. Les soldats ne patrouillaient pas, ils étaient simplement postés à chaque mur d’enceinte de la vieille ville.
C’était quand même bizarre d’entendre « Yahud Yahud » à Jerusalem Est. En me retournant, je les ai vu rigoler. Quelques instants plus tard des gamins faisaient exprès de jouer un extrait des sirènes qui nous terrorisent depuis des jours à chaque fois qu’on les entend. Sauf que j’avais déjà pris l’habitude. Avant la sirène il y a déjà une première alerte. Puis dans Jérusalem Est… impossible. Ils s’attendaient sûrement à nous voir paniquer ou courir. Mais non, jamais. J’ai juste rigolé de leur ridicule.
Finalement, on a poursuivi notre chemin jusqu’à rejoindre l’une de mes cousines dans le centre.
Sur la route, on s’est posés prendre un truc à boire, on est tombés sur un français qui a demandé une cigarette à mon ami. Il était heureux de pouvoir dire que Mashiah arrivait et qu’on était rentrés dans les temps messianiques. Il nous disait qu’on avait de la chance de pouvoir être là à ce moment précis. En un sens il a raison, être ici, en ce moment précis, c’était quelque chose. Vraiment.
En poursuivant notre chemin, on croisait plein d’enfants marchant par groupe de 3 ou 4. Sûrement les frères et soeurs d’une même famille. Les plus âgés que l’on croisait avait quand même moins de 10 ans, et étaient pourtant les aînés donc responsables des plus petits avec qui ils étaient. Observer cela m’a fait me rendre compte que la vieille ville de Jérusalem était une cité où les parents étaient suffisamment confiants pour laisser leurs enfants déambuler seuls. Une chose similaire serait impossible en France, au vu du sentiment d’insécurité qui anime la population. Enfin, au delà d’un simple sentiment, l’insécurité est belle et bien réelle en France. Pourtant ce n’est pas un pays en guerre.
On a donc ensuite retrouvé ma cousine, et on a fait un super resto, le Rimon. Il y avait plus de commerces ouverts ici, en raison du peu de risques qu’il y avait d’un tir de missile sur Jérusalem. Son statut de ville trois fois sainte la protégeait de bien des manières, et nous avec. Le resto était super bon ! Et c’était cool de voir ma cousine ici, où elle vit désormais.
Ensuite, mon ami a été se prendre une glace, et ma cousine nous a raccompagnés jusqu’au bus où on a ensuite récupéré le train à Yitzhak Navon. À la station de train, il y avait des membres de Breslev qui jouaient de la musique, chantaient, dansaient, criaient -fumaient…- l’ambiance était folle.
Une fois arrivés à Tel Aviv HaShalom, on a pris une trottinette et on est rentrés. L’hôtel est cool. On a assez bien sympathisé avec la personne à l’accueil, qui nous a en quelques sorte surclassés. On avait quand même la vue sur la mer, visible depuis un grand balcon d’environ 20 mètres. Initialement, on avait demandé une chambre avec orientation vue sur mer. Mais on apprendra plus tard que l’hôtel était surchargé, ayant accueilli beaucoup des habitants de Ramat Gan, que le maire avait fait reloger ici. Effectivement, peu d’hôtels acceptaient les chiens sur le secteur, et il semblerait que cela fût une condition sine qua non à leur relogement.
Jour 9 : Vendredi 20 Juin 2025 - Tel Aviv :
Le matin on a été au marché pour prendre du halva. Tout était fermé. Mais on a vu les nouveaux immeubles bombardés. Insane. Quasiment tout le quartier d’Allenby, juste derrière notre hôtel, est tombé.
Photo prise entre Allenby St et le shuk HaCarmel, en direction du centre de Tel Aviv.
On est passés près de la mosquée de Tel Aviv, elle est jolie, pas mal de fidèles qui marchent ensemble dans la rue, aux environs. Les grilles autour sont vertes, la pierre de l’édifice est blanche, relativement bien entretenue. Ça change des mosquées moches qu’on a l’habitude de voir en France. Ici, au moins, l’Islam est respecté et ses fidèles aussi. L’appel à la prière résonne toujours dans la ville, et le vendredi est un jour saint où on peut voir défiler les hommes habillés de blanc dans les rues se mêler à ceux habillés de noir qui attendent le Shabbat.
Plus tard, on se pose en bord de mer sur des bancs en forme de cacahuètes. Une femme blonde aux yeux bleus qui lit, deux hommes noirs, habillés en kamis blanc, discutent de leur actualité qu’ils voient défiler sur leur téléphone. Et nous, qui arrivons.
Tout se passait bien, tout le monde faisait sa vie. Et d’un coup d’un seul, la femme blonde pète un câble contre eux, les deux hommes. Elle criait, et moi j’essayais de me détendre alors j’ai voulu la calmer. Elle m’explique alors le comment du pourquoi. Parce qu’apparemment ils sont venus se poser pas loin d’elle alors que c’était vide et qu’elle était toute seule. Selon elle ça ne faisait pas, je lui ai dit qu’il n’y avait rien de mal à ça. Elle nous dit « Je suis Israélienne, je suis dans mon pays ». Ça allait trop loin, j’ai coupé court à sa tentative de justification par le racisme nationaliste. Je lui ai dit, “Il n’y a rien d’anormal, détendez-vous et laissez les gens vivre leur vie comme vous aimez vivre la votre”.
J’étais assez contrariée d’être tombée sur une méchante aigrie comme cette femme. Elle cassait mon délire. Israël a beau être un exemple de vivre ensemble et de société muticulturelle qui fonctionne, il y aura toujours un élément dissident. Finalement, en parlant un peu plus avec elle, je comprend que cette femme n’a pas toute sa tête. Elle a été violée en bande quelques années plus tôt, et son traumatisme n’est toujours pas résolu. Elle reconnut elle-même que certaines de ses réactions étaient encore dictées par ce traumatisme. Rien n’excuse le racisme, mais au moins je comprenais que toute forme de débat était inutile.
Le soir on a mangé un shawarma, pas loin du shuk Ha Carmel. Là-bas, on a rencontré un jeune musulman sans abri d’origine Marocaine, et qui parlait donc français. Comme j’étais à Casablanca le mois dernier, et qu’il en venait lui aussi, on en a parlé brièvement. De notre Roi, de la CAN en 2026 et de la Coupe du Monde de 2030. Puis on lui a souhaité une bonne soirée et il a repris sa route. Quant à nous, on a voulu tester les piments Israëliens. Cela se passe de commentaires…
Toute la journée, on s’est renseigné au mieux pour partir. On a des retours de tout le monde autour de nous pour nous dire quoi faire. Mais on le sait déjà. Personne ne semblait comprendre que la France ne nous aiderait pas, en dépit de ce que le Quai d’Orsay annonçait sur C-NEWS et BFM. On nous répétait encore et encore “Fil d’Arianne” “Fil d’Arianne” sans comprendre que cela était parfaitement inutile. Nos familles insistaient en disant que le consulat ou l’ambassade allaient nous aider, sans comprendre qu’on y avait déjà été, et que cela fut aussi vain.
Mais avec du recul, ce qui est le plus extraordinaire -et en même temps, le plus dégradant pour la France-, c’est la façon dont nos demandes ont été traitées. En effet, en me rendant sur le site du consulat de France en Israël, j’ai pu remplir un formulaire d’identité afin d’être recontactée ultérieurement. Fait important à noter, il s’agit d’un document administratif Israélien mis en place par le Ministère du Tourisme Israélien, portant le nom de “Tourist Evacuation From Israel”. On aurait pu s’attendre à un formulaire Français mis en place par le Quai d’Orsay portant le nom de “Rapatriement Ressortissants Français”, mais non. À croire qu’Israël semble toujours se soucier plus du devenir des populations étrangères, bien plus que les gouvernements desquels elles sont issues…
Ainsi, Israël a mis en place ce document, pas la France. Nous avons finalement bien été contactés par mail par un membre du consulat, mais sa mission s’est limitée à prendre des informations supplémentaires nous concernant. Finalement, nous n’aurons jamais de retour lorsque plus tard je leur demanderais “Nous allons passer par la Jordanie, qu’est-ce qui est prévu pour les Français ?”
Finalement, cette journée-ci, on a pas mal squatté le bord de mer.
Jour 10 : Samedi 21 Juin 2025 - Tel Aviv :
Ce fut sûrement la journée la plus tranquille. Entre plage, lessive, re plage, resto et cocktails.
On a hésité longtemps, mais notre décision semble prise. On va tenter le tout pour le tout. Et rentrer par nos propres moyens. Si on continuait d’attendre un retour de la France, le séjour risquait de se prolonger indéfiniment et finir par nous coûter très cher.
On ne remerciera pas la France bien sûr, mais bon.
En tous cas, plus les jours passaient, moins il semblait y avoir encore des touristes étrangers. Si les premiers jours il y avait encore beaucoup d’Américains ou d’Allemands venus pour la Pride, on comprenait que leurs pays respectifs avaient déjà fait tout le nécessaire pour les rapatrier. Ne restaient alors dans la ville, que les quelques touristes Français abandonnés par leur pays, livrés à eux-mêmes pour tenter de trouver une solution. Dans notre hôtel, on a rencontré une Parisienne du 19ème qui nous confirmait cela. Beaucoup de groupes Whatsapp se sont créés pour que la communauté Juive de France puisse s’organiser entre elle et trouver une solution.
De notre côté, nul besoin d’être aidés. Les directives de la France sont claires : “rendez-vous à la frontière Jordanienne et prenez un avion depuis là-bas”. Notre autre option, c’était de passer par le Sud, pour gagner Charm-el-Cheikh, en Égypte. Et enfin, nous pouvions aussi prendre depuis Ashdod un bâteau de croisière de la compagnie Mano Maritime, qui nous conduirait à Chypres. Cette dernière option me semblait être la meilleure, puisqu’elle nous emmenait à l’Ouest, et donc nous rapprochait de l’Europe plutôt que de nous en éloigner.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a certes le Dôme de Fer et des abris un peu partout en Israël. Mais comme les jours précédents nous l’ont confirmé le Dôme de Fer n’est pas 100% hermétique. Il y a un taux d’interception d’environ 90%, mais plus il y a de missiles ou de roquettes à intercepter simultanément, plus la tâche devient compliquée. Autre fait, lorsqu’on est sur une route, entre un point A et un point B, qu’on passe sur un pont, que ce soit en voiture, à pieds ou en train : nous sommes à découvert, et donc nous sommes vulnérables. Ce que la France ne semblait pas comprendre, c’est le risque que représentait le trajet dans cet intervalle de distance entre Israël et la Jordanie. Je ne parle même pas du temps de trajet entre Tel-Aviv où nous étions et Charm-el-Cheikh, une ville Égyptienne située au Sud de l’Israël. par ailleurs, nous avions entendu qu’un homme ayant tenté de fuir par l’Égypte s’était fait agresser et dépouiller à la frontière, ce qui nous refroidi davantage.
Les locaux de la compagnie étant fermés sur Tel Aviv, leur numéro sonnant comme non-attribué, et le site internet ne fonctionnant pas bien, nous décidons de nous rendre à Ashdod dès le lendemain.
Jour 11 : Dimanche 22 Juin 2025 - Tel Aviv —> Ashdod :
Nous sommes réveillés au son des sirènes. À 7h30, nous descendons donc au parking du Herbert, qui fait office de miklat.
Après cette énième alerte, le patron nous offre le petit déjeuner. Ils étaient super sympas. Mon ami leur a laissé un super avis, et nous avons décidé que nous y retournerons désormais lors de nos visites ultérieures. Peut être cette fois aurons-nous la chance de profiter de la piscine à débordement, qui malheureusement était fermée sur ordre du gouvernement.
Le patron de l’hôtel a tenté de contacter la compagnie. Apparemment, le port était fermé et Mano Maritime également. Mais je n’y croyais pas. Ils voulaient juste éviter les mouvements de foule, ce qui est compréhensible.
Nous nous sommes donc rendus sur place, et effectivement : il y avait des départs.
Mais pour l’heure, nous étions à mi-chemin entre Tel Aviv et Ashdod. On a tenté d’attendre le bus 320 qui ne passait pas, donc on a pris un taxi qui a pu nous déposer au port.
C’est alors que la grosse blague commence. À l’entrée du port, un militaire demande nos passeports. Il demande à mon ami et moi-même si nous sommes mariés, nous lui disons que non. Ensuite, il commence à parler à notre chauffeur de taxi en hébreu. Je ne comprend pas grand chose, mais je distingue le mot “Mossad” dans la conversation. On nous laisse finalement passer en nous indiquant où se trouvent les locaux de la compagnie au sein du port.
Une fois sur le parking, on descend du taxi, on récupère nos affaires, puis on est accueillis par un homme d’une cinquantaine d’années, pas très grand, et avec un talkie-walkie installé sur son épaule. Mais il est habillé en civil. Ils nous demande ce qu’on souhaite, je le lui explique, et il me dirige vers 3 femmes à un comptoir. Du moins, au début il me demande d’aller voir “les deux femmes au comptoir”. Je regarde au loin, et je doute. Il y a un comptoir avec deux femmes âgées, et un autre avec deux jeunes femmes. Au comptoir où il y a les deux jeunes, une troisième les rejoint. Et alors, l’homme qui nous escorte corrige sa phrase “Euh, les 3 femmes au comptoir”. Je comprend donc qu’il parle du comptoir où il y a les jeunes femmes, et donc j’y vais.
Commence alors l’une des scènes les plus lunaires de ma vie. Les 3 femmes sont avec un commandant de bord. L’agent qui nous escortait est rejoint par d’autres, portant également un talkie-walkie sur l’épaule. L’agent parle avec mon ami, pendant que moi j’explique la situation aux 3 filles. Je leur parle en anglais, elles tentent de m’aider à prendre un billet en ligne en m’indiquant un prochain départ le 27. Ne comprenant pas que nous n’ayons pas réussi à contacter la compagnie par appel, elle tente de composer elle-même le numéro depuis notre téléphone. Bien évidemment, elle n’y parvient pas non plus. Puis finalement, mon ami demande à charger son téléphone entre temps. Il disparait donc un instant. Et finalement, je ne sais pas ce qui se passe, en quelques secondes, le jeune commandant parle en hébreu à l’une des filles, qui se retourne vers moi et me crie dessus en anglais “N’achetez pas de billet hein ! Surtout vous n’achetez pas de billet !”
Étrange… C’était pourtant bien ce que nous tentions de faire jusqu’à présent non ? Je lui répond, et finalement, comme un lapsus car le commandant de bord lui parle en même temps, sort de sa bouche un “Attend !” parfaitement audible. Je lui demande donc si elle parle français, et me répond alors avec son plus bel accent “Just a little bit haha”. Entre temps, l’agent qui nous escortais appelle mon ami pour lui dire que son téléphone, en charge, sonne. il va le récupérer. Suite à son appel, et après le départ des membres de l’équipage, mon ami constate qu’il s’est fait voler son chargeur par des membres de la compagnie Mano Maritime qui viennent d’embarquer. Je crois rêver. Finalement, on sent qu’on veut nous faire dégager. L’agent dit aux filles, qui apparement doivent partir, de prendre notre numéro, ce qu’elles font.
Nous n’avons bien sûr jamais reçu d’appel, même 1 mois après. L'agent nous raccompagne à l’extérieur où il nous dit que nous allons être escortés jusqu’à la sortie avec le gouverneur du Panama qui se trouvait sur place. Ça me semble bizarre, mais plutôt que de le relever je préfère m’amuser de la situation “Si c’est vrai, ça pourrait être très drôle”. Entre temps, nous nous retrouvons encerclés par d’autres agents portant des talkie-walkie. On nous dit que nous attendons la voiture qui doit nous reconduire à la sortie du port. Arrive alors un général de Tsahal. 3 étoiles et je ne sais combien de médailles sur sa poitrine. Étant la seule qui parlait convenablement anglais, je suis celle désignée pour répondre à ses questions. La plus drôle restant sans doutes “Qu’est-ce qui vous a fait croire que vous pouviez acheter des billets de croisière dans un port ?” Ma réponse fut à la hauteur de la question “Eh beh dans une gare on peut acheter un billet de train. Dans un aéroport on peut prendre des billets d’avions. Donc dans un port…”. Avec tout le respect que je dois à ce général et à Tsahal en général, ces derniers devraient peut être revoir un tantinet leurs méthodes d’interrogatoire. Avec tout ça, je commence à comprendre pourquoi à l’entrée du port j’avais entendu le mot “Mossad”, et qui étaient potentiellement ces agents en civil avec des talkie-walkie.
On nous a donc harcelés de questions pour savoir pourquoi on était là. Un interrogatoire du Mossad et de Tsahal, conjointement, littéralement. Sûrement que ça leur semblait bizarre qu’on soit ici sans billets. Étions-nous les seuls français à avoir essayé ? En fait, étions-nous les seuls pour qui ni le numéro de téléphone ni le site internet ne semblait fonctionner ? Car j’avais réussi à voir la liste des passagers censés embarquer, et effectivement, tous semblaient avoir réussi sans encombre. J’ai donc, en somme, expliqué à un général de Tsahal à 3 étoiles que je “tentais le tout pour le tout car j’en avais marre d’attendre après la France”, ce qui a eu pour effet de le faire beaucoup rire. Il devait déjà avoir son opinion sur la France, et je n’ai fait que la confirmer.
On est donc escortés à la sortie du port d’Ashdod non pas par le gouverneur du Panama, mais par deux agents -du port ? Du Mossad ?-. Une expérience pas prévue, mais à ce stade-là, je me dis juste “Allez go, pourquoi pas…”. Le bus ne passant toujours pas, on a finalement marché jusqu’à l’hôtel en bord de mer. Nouvel hôtel. Vue directe sur la mer cette fois.
Comme la plupart des hôtels sur Ashdod, la dame qui tient la réception est une Russe. Elle compatissait de notre situation et nous a fait un tarif.
Là on s’est pris à boire et à manger une pizza. On est posés en bord de mer à un surf club. On a été faire 2, 3 achats.
Mon ami veut qu’on aille en Jordanie parce que selon lui c’est le moins cher et le plus direct. Et que de toutes façons, notre plan pour partir par voie maritime par l’Ouest a échoué.
Allez ok.
Jour 12 : Lundi 23 Juin 2025 - Ashdod :
Les États-Unis ont envoyé des avion B2 pour frapper les bases nucléaires de l’Iran en profondeur. Évidemment, les attaques reprennent de plus belle après l’arrivée des Américains. On a eu une alerte dans la nuit à 3h du matin. Puis ce matin à 9h environ.
On a fait le Check out dans la foulée, mais finalement à peine en bas en train de chercher l’itinéraire, on a eu une 3 ème alerte, cette fois avec la sirène, et on a dû retourner dans le mamad, l’abri privé de l’hôtel.
Ce matin-là, c’est un homme à réception. Il nous dit que c’est pas safe de partir par la Jordanie. Il y a des touristes Russes dans l’hôtel, eux non plus ne veulent pas faire ça.
Finalement on a passé la journée dans le lobby. Je me suis dissociée, littéralement j’en pouvais plus. Heureusement que mon ami a tout géré pour nous. Je sais pas comment j’aurais fait toute seule.
Enfin, nous avons pris notre décision. Nous allons partir par la Jordanie. Mon ami a trouvé des billets. Nous allons passer par Amman, Jeddah en Arabie Saoudite, Istanbul en Turquie, pour finalement atterrir à Orly le 26 Juin.
LCI annonce en sous-titres le vol organisé par la députée Yadan annonce le vol pour les 150 français vulnérables. Ces derniers n’avaient en réalité rien de vulnérables quand on les croisera le lendemain, mais ils n’avaient aucune envie d’organiser leur retour par eux-mêmes et préféraient une prise en charge. On apprendra plus tard en discutant avec eux, qu’ils avaient payé leur billet retour 300€ par personne -comme nous- et payé environ 125€ par personne un chauffeur pour les poser à la frontière jordanienne -comme nous-.
Finalement une fois tout ça résolu, tout organisé, on est allé prendre une nouvelle nuit auprès du jeune qui a pris la relève de la Russe. Et on s’est baladé le long de la mer, découvrir un peu Ashdod et se balader. On s’est posé prendre un verre et manger un bout. On a rencontré un Israélien fan de rap français, c’est le serveur de l’endroit où on est. On lui a suggéré plein de sons de rap à écouter, il était refait !
Il est hyper sympa !
Jour 13 : Mardi 24 Juin 2025 - Ashdod —> Jordanie :
On a eu une alerte dans la matinée à 5h30, ça nous a levés. Ensuite nous avons voulu prendre un café, 2eme alerte. L’Iran n’a pas respecté le cessez-le-feu imposé. Nous ne le savions pas encore, mais cette dernière alerte avant notre départ, à 10h24, était finalement la dernière alerte de la guerre. On a finalement pu faire le Check out. Et on a attendu Gary devant l’hôtel. Je l’avais rencontré une semaine plus tôt sur Gordon, lorsqu’il venait récupérer des français à notre hôtel pour les conduire à la frontière. Lui-même était français, ce qui fut le plus simple pour nous.
Capture d’écran de l’application Tzofar qui signale les tirs de missiles, roquettes et drones. Chaque point rouge correspond à une attaque.
Il est venu nous récupérer et on a tracé direction la frontière Jordanienne, en passant par les territoires Palestiniens, via Jéricho, pour atteindre Allenby Bridge -le côté Israélien de la frontière- qui nous conduirait jusqu’à King Hussein Bridge, du côté Jordanien de la frontière. En vrai c’était chill, tout le monde conduisait tranquillement, en faisant sa vie, sans se soucier que nous ayons une plaque Israëlienne. Il y aussi sûrement beaucoup de commerce entre les deux côtés, finalement. Gaza, c’est vraiment une situation à part.
On passe finalement un premier contrôle où on quitte Israël, où on check le coffre et nos passeports. Puis on arrive au poste de frontière Israélien, en zone franche. Gary nous pose, on le remercie. On le paie. 250€ du coup. Puis on rentre au poste de frontière, on passe nos bagages, ils sont vérifiés.
Puis on prend le papier de sortie, on paie notre visa pour la Jordanie,100€ pour deux. Et on se retrouve à attendre je ne sais trop quoi. Une dame musulmane, voilée et assez âgée, doit récupérer ses bagages et pète un câble puis insulte les personnes chargées de les lui rapporter. Il faisait chaud, tout le monde était fatigué d’attendre.
Beaucoup de touristes, français, anglais… des Israéliens arabes musulmans qui vont en Jordanie. Des juifs… les deux ont des passeports Israéliens mais de couleur différente. Puis on comprend finalement qu’on doit payer les bagages à mettre dans le car. À ce moment-là, je ne compte même plus combien est-ce qu’on a dû dépenser…
Puis on monte dans le car qui doit nous conduire jusqu’au côté Jordanien de la frontière. On ne démarre pas. On est là, on attend que le conducteur revienne. Le conducteur est revenu, on est partis.
On est arrivés du coté Jordanien de la frontière. Le conducteur nous a pris nos passeports. Et on attend. On attend. Depuis 1h. On ne sait pas ce qu’on attend, mais on attend. Il a bloqué la porte. Une femme avec un nourrisson n’arrive pas à ouvrir la porte du bus. Elle klaxonne, elle klaxonne, personne ne vient. Un autre conducteur est interpellé, il va donc chercher notre conducteur qui ne vient pas direct.
Tout le monde cherchait les boutons pour sortir, y compris moi. On avait chaud, faim, soif. La plupart d’entre nous était partie depuis le matin, eux aussi réveillés par l’alerte de 5h30. Et il fallait encore qu’on passe 1h enfermés dans un car en plein soleil. Il était déjà presque 16h, plus personne n’en pouvait. Finalement, quand le conducteur est revenu, un monsieur musulman d’un certain âge s’est énervé en arabe contre lui. Je parle aussi bien l’arabe que l’hébreu, c’est à dire mal. Mais je sais reconnaître des insultes quand je les entend.
Finalement on descend, on récupère nos bagages et on tombe sur les gens de l’ambassade de France. Apparemment ce ne sont pas les visas que nous avions payé plus tôt. Car nous devons désormais payer à nouveau l’équivalent de 150€ pour deux, et là on nous donne nos visas. On le fait donc sur place, 20/30 minutes d’attente annoncées. On attend.
Rima Hassan, l’armée Israelienne lui a donné des sandwich et des bouteilles d’eau après l’avoir récupérée. L’ambassade de France ? Rien. Ils savaient pourtant qu’on avait tous fait minimum 5h de route sous le soleil pour arriver jusqu’ici, mais pas une bouteille d’eau.
Par contre, ils avaient prévu une petite quiche pour eux-même. Ce que j’ai trouvé extrêmement déplacé.
Les Suisses avaient ramené la Croix-Rouges pour leurs ressortissants, les Anglais ont eux eu le droit à des bouteilles d’eau et de quoi manger. Et nous ? Nous avons dû demander de l’eau aux Anglais, qui fort heureusement nous en ont distribué sans faire de dinstinction de nationalité.
J’ai donc fait la remarque aux membres de l’ambassade.
Ils me répondent alors, sans se rendre compte que je saurais déceler le mensonge, qu’il y a “d’autres personnes à d’autres postes de frontière, et que l’État a prévu des denrés pour les plus grosses frontières mais pas celle-là”. Or, c’était sans compter sur le fait que je sache préalablement que King Hussein Bridge était LA frontière israelo-jordanienne par excellence. Ce n’est pas pour rien que tout le monde passait là. Ce n’était pas pour rien qu’ILS étaient là.
On comprend alors que le rôle de la France s’arrête à ça : affréter un car à la frontière, qui doit nous conduire jusqu’à l’aéroport. Pourtant, à ce stade-là, nous n’étions plus à une dépense près, et aurions tout à fait pu prendre un taxi sur place, qui nous aurait conduit.
Finalement on a récupéré nos passeports et je me rend compte qu’on a bien fait de pas attendre que la France nous appelle, car personne de tous les français présents avec nous n’a reçu d’appel du gouvernement. S’ils étaient là, c’est parce qu’eux aussi -à l’instar de la Parisienne du 19 ème rencontrée au Herbert-, avaient rejoint un groupe Whatsapp de la communauté Juive. Certains des membres du groupe avaient fait jouer leurs relations pour contacter la députée Caroline Yadan, française, Juive et avocate. Cette dernière avait alors à son tour fait jouer ses relations pour organiser le rapatriement de ceux l’ayant sollicitée. Elle avait entre autre obtenu pour eux des billets pour un vol direct Amman-Orly pour un total de 300€ par personne, départ le 24 Juin. Elle avait ensuite contacté en personne, en appel anonyme -donc depuis son propre téléphone-, l’ensemble des personnes concernées pour organiser cela.
Elle avait donc fait établir une liste de personnes censées prendre le car ce jour-là, en direction de l’aéroport. Profitant de ce timing extraordinaire, nous sommes nonchalamment montés dans le car même si on n’était pas sur « la liste ». On est assis non loin d’un couple de Français d’Arles qu’on a rencontré plus tôt à la frontière. Et on attend encore un groupe de 10 français qui arrive d’un autre car. Là on est dans le car au frais.
On a croisés d’autres français de Villeurbanne dans le car, tout le monde part ce soir, apparemment 2 personnes ne sont pas venues. Peut être qu’on pourra faire changer les billets. On a croisé un révérend avec le faux col blanc, changer ses plaques locales pour des plaques Israéliennes. Il a fait rire tout le monde dans le car, même un gars rien à voir qui attendait à côté de lui. Il y a une bonne ambiance dans le car.
Bus jordaniens, demandés par la France pour accompagner les 150 français prévus au vol du 24 Juin, 18h Amman-Orly, et dont nous avons également profité pour gagner l’aéroport.
On s’arrête rapidement à une boutique à la mer morte en mode pause pipi. Encore un chien errant, le 3 ème que je vois ici. Je lui ai donné à boire le pauvre. On a fait un stop dans ce magasin pour boire et acheter des souvenirs. La chauffeur savait très bien que les gens allaient acheter. Sauf qu’on est des feujs donc personne n’est tombé dans le panneau à part mon ami et le monsieur du couple d’Arles. Mon ami m’a dit qu’il voulait dépenser le reste de ses sous donc il m’a dit de prendre un truc, sans savoir qu’il aurait pas assez. Donc j’ai payé par CB. Merci lol.
J’ai croisé l’une de mes connaissances à l’intérieur du magasin. Il était dans le car d’à côté. Improbable. Il y avait aussi d’autres gens de Villeurbanne que je reconnaissais. Et on a aussi rencontré un gars de Villeurbanne qui avait son frère à Ashdod. Il semblait inquiet de laisser son frère derrière lui. Le monde est définitivement trop petit.
Bref, on est finalement arrivés à l’aéroport. On n’a pas voulu se presser pour essayer de changer les billets, on a laissé partir les autres. On est allé se poser au Starbucks tranquillement boire un café manger un truc avant d’aller trouver un hôtel pour la nuit, tranquillement.
On a trouvé un hôtel. On y a marché. À pieds. Mauvaise idée. On est tombés sur des militaires Jordaniens qui ne comprenaient pas pourquoi on n’avait pas de tampons sur nos passeports, mais c’était logique puisqu’on n’était pas arrivé en avion. Donc je leur ai expliqué.
Ils m’ont demandé si on était arrivé par le pont en Palestine. Je leur ai répondu que oui, mais cela ne semblait pas convainquant. Donc ils ont appelé un de leurs collègues qui parlait anglais pour qu’il me pose des questions. Une fois qu’il avait compris, il m’a demandé si on avait pris un hôtel, j’ai dit oui on y va là justement. Le gars au téléphone m’a dit qu’ils appelaient leur chef pour vérifier que tout était ok, et ils ont pris nos passeports. Je n’en pouvais plus. J’étais exténuée. Et j’en était à mon deuxième interrogatoire de militaires, en deux jours, dans deux pays différents. Évidemment, tout était en règle ils nous ont donc rendu nos papiers en s’excusant. Ils se sont même confondus en excuse, laissant supposer que leur chef les avait sacrément réprimandés.
Jamais je n’oublierais leurs visages. Ils étaient 3. Un, plus âgé que les autres, grand, mat de peau, en tenue militaire, béret rouge bien en place, ventre bien rempli et moustache noire bien taillée, imposante, avec à l’annulaire une bague en or sertie d’une pierre bleu-gris qui avait attiré mon attention. Il avait vraiment tout du militaire Jordanien typique. Le second, également en habit militaire, était plus jeune, plus fin. Lui aussi était grand, et très beau. Vraiment, très beau. Il m’intimidait, mais d’une autre façon que son collègue. Et enfin, le dernier, le plus petit des trois, était habillé en civil. Il ne fut probablement pas militaire, mais venu jusqu’ici tailler le bout de gras avec ses amis. Quoiqu’il en soit, après avoir raccroché avec leur supérieur, les trois enchaînèrent les “Sorry”, “Really sorry” en s’inclinant légèrement à plusieurs reprises, comme pour marquer leur volonté de se faire pardonner.
Là on est à l’hôtel mais je suis toujours en panique. J’ai la boule au ventre. Je ne me sens pas sereine. Bien plus contrainte que dans le pays où nous étions juste avant. J’ai peur. Vraiment peur. J’appréhende l’escale en Arabie Saoudite. C’est un pays qui pratique la Charia et où le moindre écart peut nous valoir un aller direct en prison, au mieux, et au pire, la peine de mort.
Plus tard dans la soirée, on est descendus et j’ai entendu les gens de l’hôtel rire de notre prochaine escale. Je les ai entendu parler de Daesh et de la France. Et ils ont ensuite mimé le geste d’un homme Juif priant au Kotel tout en rigolant. Pourquoi oublier que certains gestes et mots sont universels ?
Jour 14 : Mercredi 25 Juin 2025 - Amman (Jordanie) —> Jeddah (Arabie Saoudite) :
J’ai très mal dormi, beaucoup plus que sous les missiles. On est à l’aéroport depuis ce matin. Vraiment, les Européens sont minoritaires. On passe le temps comme on peut. C’est long, et fatiguant. Le vol est affiché, l’enregistrement ne devrait pas tarder normalement. On s’est pris un Mac Do en attendant. Le dinar Jordanien a beau être plus fort que l’euro, on a quand même un meilleur pouvoir d’achat ici. En comparaison, deux menus et plusieurs sides nous ont coûté l’équivalent de 19€ en Jordanie, contre 20€ un simple menu au Burger King en Israël.
Le vol est passé. Ça fait bizarre d’entendre l’appel à la prière dans un aéroport. Partout ailleurs tu entends “Allah u akbar” dans un aéroport, tu cours lol.
Beaucoup de gens, des hommes surtout, sont en tenue pour aller faire leur pèlerinage à La Mecque. Le trajet qui va de Amman jusqu’à Jeddah est magnifique. Le désert, la mer rouge… Jeddah est une jolie ville qui a l’air très bien organisée vu du ciel. Que des blocs d’immeubles tous semblables les uns aux autres sur le même pâté, bordés des routes rectilignes. Que des angles droits. Tout est carré, net, précis. On est arrivés avec le coucher du soleil, et les voitures et bâtiments qui commençaient à s’éclairer. C’était très beau.
Là on patiente pour la correspondance avec Istanbul. C’est long. En descendant de l’avion, nous avons cherché le comptoir de la compagnie Pegasus Airlines. Un homme d’environ une quarantaine d’années nous a accueillis et a récupéré nos passeports en nous demandant de patienter jusqu’à environ 23h30, où il viendrait nous récupérer. Le comptoir de la compagnie n’était pas encore ouvert, il nous a donc invité à patienter en nous expliquant qu’on pouvait aller dans l’enceinte de l’aéroport si on le souhaitait, du moment qu’on revenait pour 23h30.
Ne souhaitant pas m’aventurer sans mon passeport, je décide de rester sur place. Un moment plus tard, une jeune femme d’environ vingt ans revient avec mon passeport en main, me demande de confirmer mon identité, ce que je fais, en insistant sur mon nom de famille Elle note ensuite quelque chose sur sa tablette. Puis elle part. Ça me semble étrange, mais je en relève pas, c’est sûrement une façon différente de celle que je connais, mais probablement une méthode conventionnelle ici.
Nous n’avons toujours pas passé la sécurité. Cette dernière se trouve devant nous, légèrement sur la gauche. Devant nous, légèrement sur la droite, il y a les comptoirs, où personne ne passe si ce n’est l’homme qui nous a accueilli au début et ses collègues. Alors j’observe autour de moi. Plusieurs groupes de personnes descendent d’avions venant du monde entier et se précipitent vers la sécurité. Peut être qu’eux ne sont pas en transit.
Et j’observe le personnel. Tout le monde semble avoir entre 20 et 40 ans. Des hommes et des femmes travaillent conjointement, apparemment en se vannant pour passer le temps. Je ne savais pas que les femmes pouvaient parler aux hommes. Ou en tous cas, pas de cette façon. Et là je vois pourtant une femme en burqa rigoler avec son collègue masculin. Je m’étais pourtant renseignée avant de partir, pour être sûre de ne pas commettre d’impair qui pourraient compromettre mon retour. Mais rien ne vaudra jamais le fait de se rendre sur place. Il n’y a que comme ça qu’on peut réellement appréhender les us et coutumes d’un groupe donné. Je suis bien contente d’être passée par là finalement. En fait, il n’y a rien de dangereux du moment qu’on est respectueux et qu’on ne commet rien d’illégal selon les lois du pays en question.
On a attendu longtemps. Très longtemps. Un couple d’Odessa, -de ce que j’ai compris-, un jeune Suisse qui étais sûrement aussi en Israël, un jeune homme Jordanien de notre âge, un qui avait l’air d’un commercial à lunettes, et un vieil homme attendent avec nous. Le jeune de notre âge nous a proposé des gâteaux. Les gens discutent entre eux. On a parlé avec le couple. Le mec nous demandait notre nationalité, nos origines, et j’en passe. On passait le temps comme possible.
Vers 23h30 le gars a fini par nous récupérer, nous rendre nos passeports et nous escorter jusqu’à un car qui nous conduit jusqu’à… le terminal, je suppose ?! Entre temps, comme on avait récupéré nos passeports, on les montre à un nouvel homme, assez imposant. Il vérifie notre destination. Mais toujours pas de cartes d’embarquement, et l’homme nous prend de nouveau nos passeports. Finalement, nous sommes bien au terminal, mais pas là où se trouvent l’ensemble des passagers. Nous sommes mis à part, dans une pièce spéciale où il n’y a personne d’autre que nous et notre petit groupe en transit. Apparemment selon le jeune Suisse, pas besoin de visa quand on est en transit. C’est une zone affranchie de taxes.
Pour une raison que j’ignore encore jusqu’à ce jour, il semble qu’on ait été dans une salle de rétention administrative sous surveillance militaire, pendant presque tout le temps de notre escale. Il y avait un jeune homme Sénégalais qui nous avait rejoint entre temps, il parlait français et nous a expliqué qu’il était retenu ici car il y avait une erreur dans l’orthographe de son nom sur son passeport. C’est là que je commence à supposer une rétention administrative. En effet, on était dans une salle derrière des vitre sans tain, car on voyait le reste des passagers du terminal derrière ces dernières, mais eux ne nous voyaient pas. Je commence donc à m’inquiéter, car ils ont récupéré nos passeports plus tôt et ont vérifié notre identité. Je vais alors m’adresser de nouveau à un militaire, Saoudien cette fois, et il me répond “on attend de voir si la compagnie aérienne vous accepte à bord”, ce qui sonnait vraiment comme une excuse.
Quoi qu’il en soit, nous avons attendu. S’il y a bien un pays où je ne devais pas faire d’esclandre, c’était celui-ci.
Jour 15 : Jeudi 26 Juin 2025 - Jeddah (Arabie Saoudite) —> Istanbul (Turquie) —> Orly (France) :
Toujours pas de boarding pass. On attend. C’est long. Départ prévu à 2h30. Il est 00h42 on n’est toujours pas enregistrés. Je craque. Je suis fatiguée, mais je n’arrive pas à dormir. Je veux rentrer chez moi. 1h26 et on attend encore.
On dirait une rétention administrative. Définitivement. Je pense alors “Parce qu’on n’a pas de visa ? Donnez nous la possibilité de le faire sur place au moins, si la Jordanie nous a laissé partir ?” Non. Cette idée a déjà été éliminée plus tôt, il n’y a pas besoin de visa lorsque nous sommes en transit. Pourtant nous sommes là. Et nous sommes tous des profils tellement différents. Finalement, je ne saurais jamais. Je ne peux que supposer.
Toutes les personnes de notre petit groupe en transit a été voir les militaires présents dans la pièce. Ces derniers nous renvoyaient vers le personnel de l’aéroport, dont l’homme bien en chair qui semblait être leur responsable. Ils nous demandent d’attendre, encore et toujours, on ne sait même pas quoi. Un gars a dit à mon ami la même chose qu’à moi “on attend de voir si Pegasus vous accepte”. C’est ridicule.
Finalement, on a réussi à prendre l’avion. On est venu nous chercher, on nous a contrôlés de nouveau à la sécurité. Avec la dame du couple de personnes âgées d’Odessa, nous étions les seules femmes, on nous a demandé de patienter le temps qu’une femme vienne nous contrôler. On a attendu qu’une femme arrive, on a passé la sécurité, récupéré nos cartes d’embarquement ainsi que nos passeports, puis finalement on a pris un car qui nous a conduit à l’avion.
Une fois dans l’avion, on s’est reposé comme on pouvait. Il y avait beaucoup de femmes en burqa, avec ou sans le grillage devant les yeux, beaucoup d’enfants, et de personnes âgées. À un moment, on a survolé l’Égypte de nuit, et le canal de Suez, c’était magnifique. On a assisté au lever de soleil entre l’Égypte et la Turquie.
Puis on a atterri à Istanbul.
Une fois là-bas, on se prend un expresso à 7€, du jamais vu même à Paris. Une française d’origine turque s’en offusquait quand on l’a croisée dans l’avion. Ça changeait du Mac Do en Jordanie à environ 20€ les deux menus + nuggets + cafés + desserts. Pourtant, le dinar jordanien est plus fort que l’euro.
On voit notre porte d’embarquement annoncée. On y va. Un jeune homme avec un chechia et un keffieh rouge et blanc se tient à côté de moi, il me laisse passer par politesse.
Finalement, on va au comptoir et on tombe sur deux hommes à qui on demande si c’est bien ici, ils nous disent que non, qu’ici c’est pour Rome. Ils nous regardent à peine et sont énervés, semblent stressés. On panique, peut être que la porte a changée en dernière minute, on vérifie, elle est maintenue. C’est la 307 B.
Je retourne prévenir le gars au comptoir, je lui dit « I’ve just checked, it’s 307 B ». Il ne me regarde pas, ne me répond pas. Je me dit qu’il ne comprend peut être pas que je lui parlais. J’ajoute donc « Sir ? Excuse me sir, I’m talking to you ». Et il me répond sans me regarder, sans arrêter de vérifier ses cartes d’embarquement, d’un ton sec « And I’m not talking to you. ».
Je m’offusque intérieurement, un homme turc d’environ 50 ans sourit en me disant « faites pas attention, je suis turc aussi mais c’est n’importe quoi cet aéroport, c’est mal organisé, heureusement qu’il en construisent un autre. Mais ne vous en faites pas c’est bien ici, c’est simplement l’embarquement suivant ».
Est-ce que les gars du comptoir n’auraient pas pu le dire plus tôt ? Je le remercie et revient à mes affaires.
Le jeune homme avec le keffieh rouge et blanc arrive en direction des hommes du comptoir et leur demande « Hi, is this here to Paris Orly ? »
« No, sir, have a good day, bye ». « But it’s written there ». « Goodbye, sir ». En lui mettant une main sur l’épaule pour lui demander de partir. Le jeune homme insiste, il veut une explication car il ne comprend pas.
Je vais vers lui, lui demande s’il va bien sur Paris Orly, il me dit que oui. Je lui confirme que c’est bien là mais que c’est l’embarquement suivant. Il me remercie et me dit qu’il est choqué de la façon dont les deux gars du comptoir lui ont répondu, qu’il avait peur de manquer son avion, car il va sur Paris pour le travail, et ne peut donc pas se le permettre.
Je lui dit que c’était pareil pour moi, mais qu’il n’y a pas de raison de s’en faire, c’est bien là.
Enfin, finalement on prend l’avion à Istanbul, à l’intérieur il y a un jeune homme avec une kippa qui s’installe juste derrière nous. J’en profite pour lui demander son parcours. Il m’explique qu’il est passé par l’Égypte, par Charm-el-Cheikh, a pris un vol pour Paris avec une correspondance à Istanbul. Il a eu ces infos grâce au groupe WhatsApp qui a été mis en place au sein de la communauté Juive. Au bout de quelques heures, on atterri tous à Paris. On dit au revoir au jeune homme de Zurich qu’on avait rencontré puis on y va.
On passe le contrôle, et on sort de l’aéroport récupérer ma voiture.
Voilà comment se terminent ces deux semaines de voyage, entre guerre, errance administrative, interrogatoires militaires et déambulations au Moyen-Orient.