Prise d’otages d’Entebbe - Opération Thunderbolt
27 Juin au 4 Juillet 1976

Cet article est extrait de mon ouvrage sur l’histoire détaillée d’Israël depuis l’âge de bronze. Les faits décrits se déroulent principalement à l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda, et se sont déroulés entre le 27 Juin et le 4 Juillet 1976. Plusieurs personnages y interviennent, notamment l’ambassadeur de France en Ouganda d’alors, Pierre-Henri Renard; le Président et dictateur de l’Ouganda en ce temps-là, Idi Amin Dada; et le commandant de la Sayeret Matkal, Yonatan Netanyahu.

    Le 27 Juin 1976, à l’aéroport international d’Entebbe en Ouganda, un commando du FPLP détourne un avion et prend en otage ses passagers. Israël lance alors un raid qui durera une trentaine de minutes. Les 91 Juifs restants sur le total des 246 passagers sont sauvés, ainsi que les membres de l’équipage, et seront rapatriés en Israël dès le 4 Juillet. Malheureusement, 3 des passagers perdront tout de même la vie le 3 Juillet.

Pour le contexte, les 246 passagers du vol Air France 139, dont une majorité d’Israéliens en provenance de Tel-Aviv, décollent d’Athènes en Grèce à bord d’un Airbus A300B4-203 en direction de Paris. Ils sont accompagnés de 12 membres de l’équipage.

Vers 12h30, peu après le décollage, l’avion est détourné par 4 terroristes (2 du FPLP et 2 Allemands membres du Revolutionäre Zellen). Il s’agit du tout premier détournement d’avion subi par la compagnie Air France. À l’époque, les compagnies aériennes et contrôles de sécurités aux aéroports étaient mal préparés et mal équipés pour faire face à ce genre d’éventualités. Les détournements d’avions furent malheureusement assez fréquents à cette époque. Dans The Skies Belong To Us (2013) , Brendan I.Koerner, fait référence à l’époque 1968-1972 comme « l’âge d’or du détournement d’avion », en estimant le nombre de skyjacking à jusqu’à une fois par semaine.

Ainsi, les terroristes expulsent le copilote, annonce le détournement par de l’avion aux passagers par microphone, et braquent une arme sur le commandant Bacos, qui pilote l’avion. Après avoir pris  le commandement, ils détournent le vol vers la Lybie, alors encore dirigée par Mouammar Kadhafi, fondamentalement antisémite et antisioniste. Les passeports des passagers sont alors récupérés afin de vérifier leur nationalité.

L’avion atterri en Lybie afin de refaire le plein de carburant. Les otages resteront en attente pendant 7 longues heures. Au cours de cette période, seule une otage sera relâchée, prétextant l’imminence d’une fausse couche. L’avion repart le 27 Juin à 21h40 pour se poser le 28 Juin à 3h15 à Entebbe. L’Ouganda accepte alors l’avion à se poser sur son sol, invoquant alors des « raisons humanitaires ». Idi Amin Dada, alors président du pays, se rend sur le tarmac accompagné de ses hommes afin d’évaluer la situation. Dans un premier temps, les passagers pensent qu’Amin Dada est un allié d’Israël. Ils vont rapidement déchanter.

Les otages sont escortés par des militaires Ougandais et rassemblés dans le hall de transit d’un ancien terminal de l’aéroport d’Entebbe, et placés sous surveillance armée. Amin Dada affirmera à l’ambassadeur de France Pierre-Henri Renard avoir tout oeuvré pour tenter de désarmer les terroristes, mais il sera rectifié plus tard par la BBC qui rétablira les faits.

Le commando palestino-germanique énonce finalement ses exigences le 29 Juin dans un communiqué officiel. Il demande la libération de 53 prisonniers pro-palestiniens, ainsi que 5 millions de dollars, sous peine de commencer l’exécution progressive des otages à partir du 1er Juillet à 15h. Après négociations, les terroristes libèrent finalement le 30 Juin 47 passagers, principalement des femmes, enfants et personnes âgées. Le délai avant mise à exécution est finalement repoussé au 4 Juillet à 11h.

Commence alors le tri des otages via leur passeports, selon qu’ils soient Juifs ou Israéliens. Ces derniers sont emmenés dans une plus petite pièce, plus sordide, et directement menacés de mort dans le cas où Israël n’accèderait pas aux demandes des terroristes. Dans le lot des otages Juifs, quelques rescapés des camps de la mort, raconteront plus tard leur effroi lorsqu’ils furent sélectionnés suite au contrôle de leur passeport par deux Allemands armés, ravivant en eux le traumatisme d’Auschwitz.

Remarquons alors que les deux Allemands refusent d’être qualifiés de nazis, argumentant alors n’avoir rien contre les Juifs, ne pas être antisémites, mais plutôt antisionistes. On remarque alors pour la première fois un changement de dialectique dans la tentative de justification d’un acte clairement antisémite. Pourtant, la présidente et fondatrice du Revolutionäre Zellen, Brigitte Kuhlmann, refusera la libération de quatre passagers Juifs, pourtant non Israéliens puisque respectivement Belges et Sud-Américains de nationalité, passeport à l’appui. Motif de ce refus ? Elle aurait aperçu les quatre passagers porter leur talith lors de la prière du matin.

D’autres passagers non Juifs sont finalement libérés, environ une centaine. Restent seulement l’équipage français qui refuse à deux reprises d’abandonner les otages Juifs, ce qui est admirable et mérite d’être mentionné. Au total 106 personnes encore retenues.

C’est l’ambassadeur de France en Ouganda, Pierre-Henri Renard qui est alors chargé de faire le pont entre l’Ouganda et le gouvernement Israélien. Si ces derniers sont d’abord fermes, refusant toute négociation avec les terroristes dans un premier temps, ils changent finalement d’avis suite aux pressions exercées par les familles d’otages.

Finalement, le Jeudi 4 Juillet, à seulement quelques heures de la funeste échéance, Pierre-Henri Renard déboule au terminal en criant « Israël accepte la négociation ! ». Les otages ne peuvent taire leur soulagement. Pour la première fois de son histoire, Israël acceptait de traiter avec des terroristes. Un délai de 72 heures est finalement sadiquement octroyé aux Israéliens. À croire que la négociation n’ait jamais été une option envisagée par les terroristes, et que ces derniers ne se seraient finalement bien satisfaits qu’Israël refuse de traiter avec eux, leur laissant alors la liberté d’exécuter les otages Juifs.

Les terroristes nomment Hasni Abdullah Farah, l’ambassadeur de Somalie en Ouganda, comme porte parole de leurs revendications. Israël, les otages et l’équipage français, sont représentés par Pierre-Henri Renard. Et Amin Dada s’octroie le beau rôle de « médiateur ». Mais Israël se méfie de Dada, qui les a déjà trahi une fois.

En effet, à son arrivée au pouvoir, Tsahal avait dispensé à Amin Dada et ses troupes, une formation militaire supposée l’aider dans sa lutte contre les rebelles Nord-Soudanais. Dada avait même reçu une médaille de l’armée de l’air Israélienne, qu’il portait jusqu’alors fièrement sur sa poitrine. Mais après cela, Dada remerciera Israël en multipliant les déclarations antisémites, en expulsant d’Ouganda dès 1972 tous les Israéliens, dont les militaires ayant entrainé son armée, et en persécutant la communauté ougandaise Abayudaya -Peuple de Juda- parce qu’étant juive.

Bien sûr, Israël n’est pas dupe, et les officiers ayant formé Dada sont convoqués par les hauts responsables Israéliens pour tenter de mieux cerner le personnage, ainsi que la meilleure façon de négocier auprès de lui. Il ne fait nulle doute que les seuls intérêts que sert Idi Amin Dada, ce sont les siens. Il n’est fidèle envers personne, et retourne sa veste dès lors que le vent tourne et que ses intérêts changent de bord.

Ainsi, l’un des officiers l’ayant formé, s’entretient avec lui par téléphone. Il évoque le fait que la négociation d’une solution pacifique, pourrait lui permettre d’obtenir, selon ses dires, un prix Nobel de la paix. Cet évènement n’est, à posteriori, pas sans rappeler la rencontre entre Binyamin Netanyahu et Donald Trump à la Maison Blanche le Mardi 8 Juillet 2025. En effet, lors de ce dîner, le Premier ministre Israélien pris l’initiative d’annoncer publiquement, face aux caméras du monde entier, avoir proposé au comité Nobel, le nom de Donald Trump pour le prix Nobel de la Paix.

Cette annonce est une façon de caresser Donald Trump dans le sens du poil, en boostant son ego, de façon à obtenir les meilleurs résultats de lui, et s’assurer qu’il continue de marcher à leur côtés. En 2025, il est de notoriété publique que Donald Trump brigue ce prix. Et il ne fut pas moins limpide en 1976 qu’Amin Dada l’eût souhaité aussi. Pour autant, toute tentative de négociation avec le commando pro-palestinien échouera.

Israël s’impatiente. Tout en continuant de mener les négociations, l’État Hébreu prépare secrètement une opération militaire destinée à libérer les otages restants. Yitzhak Rabin, alors Premier ministre, enchaînera les réunions avec les familles d’otages, ce qui pèsera beaucoup dans la décision d’intervenir directement, en stoppant les négociations. En parallèle, le Mossad collectera  à Paris, des informations auprès des 47 premiers otages libérés, puis les suivants. Le commando est placé sur écoute par l’Unité de Renseignement 8200 de Tsahal.

Les plans du vieux terminal d’Entebbe sont transmis de la France vers Israël par valise diplomatique, par la compagnie El-Al. Ils avaient été fournis par Soleh Boneh, l’ancien ingénieur des travaux, qui se trouvait être Israélien. Preuve supplémentaire qu’en de nombreuses occasions, Israël avait su mettre son savoir faire au service du peuple Ougandais.

Les plans sont ensuite analysés. En complément, un avion loué au Kenya par les services Israéliens survole Entebbe et photographie le terminal. Les clichés sont immédiatement transmis en Israël. Le directeur du Mossad présente alors son plan à Yitzhak Rabin, qui l’approuve. C’est donc la Sayeret Matkal, l’Unité d’élite de l’État major de Tsahal, qui dirigera les opérations.

Ainsi, toute la journée du 2 Juillet 1976 est dédiée à l’entraînement de la Sayeret Matkal. Pour l’occasion, une réplique partielle du vieux terminal ougandais fut construite. Une fois préparée, Israël lance la désormais nommée Opération Thunderbolt, le 3 Juillet en fin d’après-midi. Le raid aura lieu de nuit, mais pour l’heure les troupes Israéliennes doivent effectuer un trajet de  4 000 kilomètres.

Quatre avions de transport Hercules C-130 -de fabrication Américaine- décollent de la base de Charm-el-Cheikh, en Égypte, alors sous contrôle Israélien. Dans le premier avion, se trouvent 35 commandos de la Sayeret Matkal, dont leur chef, Yonatan Netanyahu. L’objectif de cette division, est de prendre d’assaut le vieux terminal et de libérer les otages. Les C-130 transportent également une centaine de parachutistes et de fantassins de la brigade Golani, ainsi que quatre blindés légers BTR-40, de fabrication Soviétique. Un des avions est quant à lui chargé d’équipements médicaux, et un dernier héberge le poste de commandement de l’Opération Thunderbolt. Les quatre C-130 sont escortés par des chasseurs à réaction modèle Phantom, de fabrication Américaine.

L’ensemble du commando vole à basse altitude pour éviter d’être repéré par les radars, et ils suivent la trajectoire d’un vol d’El-Al reliant Tel-Aviv à Nairobi. Arrivés au dessus du lac Nyanza côté kenyan, le commando Israélien prend de l’avance sur l’avion d’El-Al, de façon à arriver plus discrètement. L’aéroport de Nairobi sera utilisé comme base de retrait et comme infirmerie de fortune pour les éventuels blessés.

Après 8h de vol, l’appareil commandé par Netanyahu atterrit finalement à 23h, dans la pénombre totale, à l’aéroport d’Entebbe. Il se pose sans la moindre difficulté, et sans être repéré par les contrôleurs aériens Ougandais. Débarquent alors trois véhicules : deux Land Rover ainsi qu’une Mercedes, ressemblant à s’y méprendre à ceux utilisés habituellement par les officiels Ougandais.

Sur la route d’accès au vieux terminal, 2 soldats Ougandais repèrent finalement le convoi et tente de l’arrêter. Les premiers coups de feu sont tirés. Les Israéliens parviennent toutefois à gagner le pied de la tour de contrôle adjacente au terminal recherché. Une fois atteint, ils débarquent de leur véhicules et donnent l’assaut sur le vieux terminal.

Le commandant de l’unité, Yonatan Netanyahu, ouvre le feu sur l'un des gardes Ougandais qui les avait remarqués. Quelques mètres avant d’atteindre le terminal, Netanyahu est abattu. Il est touché par l’un des preneurs d’otages, tirant depuis l’intérieur du terminal. Le commandant Yonatan Netanyahu mourra dans les bras du Dr Ephraïm Sneh, qui tenta de le sauver, vainement.

Ne se laissant pas pour autant stopper, les autres commandos de la Sayeret Matkal investissent simultanément le terminal, sur plusieurs entrées. Ils abattent les 4 terroristes responsable du détournement de l’avion, dans le hall principal où se trouvent les otages. Malgré les ordres donnés  par mégaphone aux otages -en hébreu et en anglais- de rester coucher, deux d’entre eux se lèvent et sont malheureusement abattus par erreur dans la foulée. Une troisième passagère est aussi tuée, par l’un des terroristes. Il sera rapporté plus tard qu’au cours de l’assaut, le commandant Bacos cria en français aux passagers « Couchez-vous, ce sont les Israéliens qui attaquent ! ». Quand un journaliste lui demandera comment est-ce qu’il sut que c’étaient des Israéliens, il répondra alors « Mais qui d’autre auriez-vous voulu que cela fût ? » insistant alors sur le fait qu’en dehors d’Israël, aucun autre gouvernement ne semblait se soucier du devenir des otages, pas même les pays desquels certains étaient ressortissants. À nouveau, la situation me rappelle notre actualité de 2025, lorsqu’après le début de la Guerre des Douze jours, l’aéroport Ben Gurion fut fermé, et qu’on constata avec effroi les différents degrés d’action des divers gouvernements censés rapatrier leurs ressortissants. Mais nous aurons l’occasion de revenir là-dessus.

Pour l’heure, revenons à la nuit du 3 au 4 Juillet 1976. L’un des hommes de la Sayeret Matkal s’adresse finalement aux otages : « Les gars, nous sommes venus vous ramener à la maison ! ». Trois minutes après l’atterrissage du premier avion, l’ensemble des otages est en sécurité. En parallèle, trois derniers terroristes se sont retranchés dans le salon VIP du vieux terminal. Un des commandos de la Sayeret les abats. Dans la foulée, plusieurs des soldats Ougandais ayant très largement collaborés avec les preneurs d’otages, sont également abattus.

Enfin, les C-130 se posent, et débarquent finalement les troupes et véhicules qui se postent pour faire barrage sur la route venant de la ville d’Entebbe. Des unités sont également mobilisés sur la base aérienne adjacente où 8 avions de combat Mikoyan-Gourevitch MiG stationnés -les mêmes avions de fabrication Soviétique utilisés par l’Égypte pendant la Guerre d’usure- seront mis hors de combat. Les alentours du vieux terminal sont sécurisés à leur tour.

Persistent tout de même les quelques soldats de la tour de contrôle du terminal, qui, à l’exception de quelques tirs sans grand impact, ne réussissent pas à renverser la situation, déjà pratiquement désamorcée.

Finalement, après 6 jours d’attente interminable, les otages ainsi que l’équipage Air France sont sauvés. Israël ne subira aucune perte, si ce n’est le commandant désormais héros national, Yonatan Netanyahu, frère ainé de Binyamin Netanyahu, futur Premier ministre. Également, lors de la sécurisation du nouveau terminal d’Entebbe, un parachutiste sera blessé au cou par un policier Ougandais et restera paralysé.

La population Israélienne saluera ce sauvetage. En revanche l’Ouganda subira une humiliation terrible, officiellement pour n’être pas parvenu à désamorcer la situation par leurs propres moyens, sur leur propre territoire; officieusement, pour avoir très largement collaboré avec les terroristes.

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